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Degen(d)erated Euphoria

 

 

1. « Il est grand temps de parler du sexe. Pour certains, la sexualité peut être un sujet inintéressant, une distraction frivole qui ferait perdre de vue ces problèmes plus cruciaux que sont la pauvreté, la guerre, la maladie, le racisme, la famine ou l’extermination des tous par les armes nucléaires. Mais c’est précisément dans des temps comme les nôtres, où nous vivons sous la menace constante d’une destruction impensable, que les gens sont le plus susceptibles de sombrer dans une folie dangereuse portant sur toutes les questions de sexualité. Les débats contemporains sur les valeurs sexuelles et la conduite érotique ont beaucoup de points en communs avec les querelles religieuses de siècles passés. Ils prennent un poids symbolique extrêmement important. Les querelles sur la conduite sexuelle deviennent fréquemment un moyen de détourner l’attention du public des autres causes d’anxiété sociale et de les décharger de leur intensité émotionnelle. C’est précisément pour cela que l’on se doit d’accorder une attention toute particulière à la sexualité en période de fortes tensions sociales. Le domaine de la sexualité définit des interactions politiques, des formes d’inégalité et d’oppression qui lui sont propres. Comme c’est le cas pour les autres aspects du comportement humain, les formes institutionnelles concrètes qui régissent la sexualité, en n’importe quel lieu et n’importe quelle époque, sont des produits de l’agir humain. Elles sont traversées par des conflits d’intérêt et des manÅ“uvres politiques, tant délibérés qu’accidentels. En ce sens, le sexe est toujours politique Â».
 

Gayle Rubin (1984). Penser le sexe. In « Surveiller et jouir Â». Paris: Epel (texte originale: « Thinking Sex. Notes for a Radical Theory of the Politics of Sexuality Â».

 

 

2. « Si pour la société l’exercice de la sexualité veut dire rapports sexuels hétérosexuels, nous sommes loin de la sexualité. Nous sommes également loin de comprendre cette fameuse idée de la différence sexuelle sur laquelle se fonde notre oppression. Pour nous, il existe semble-t-il non pas un ou deux sexes mais autant de sexes qu’il y a des individus. […] Pour nous la sexualité est un champ de bataille inévitable dans la mesure où nous voulons sortir de la génitalité de l’économie sexuelle qui nous est imposée par l’hétérosexualité dominante. A partir du moment où, pour nous, la sexualité n’a pas d’autre finalité que son exercice, ce doit être pardessus tout un exercice de subjectivité qui inclut la recherche du plaisir et qui ne saurait faire l’objet d’aucune réduction hétérosexuelle ».
 

Monique Witting, 2007, La pensée straight, Amsterdam, p. 86

 

 

3. « Pourquoi le féminisme prosexe??? Parce que t’aime faire du sexe; que ta libido est plutot débordante; tes fantasmes intarissables; tes relations bi-homo-hétéro-sexuelles plutot jouissives; qu’il t’es venu à l’idée d’aller tapiner; qu’il te plaise de confectionner des godes avec tes copines, assortis au plaisir de chacune que tu recherche activement des histoires et films érotico porno fait par et pour des femmes, pour accompagner tes masturbations clitoridiennes quotidiennes; par ce que tu trouverai ça mortel de réaliser photos et/ou court métrage porno diy avec tes potesses fée ministes;… Parce qu’aussi, chemin de vie se faisant, tu rencontres pleins de sorcières débridées sur ta route, des copines call girl; des bouquins tels que « Tales from the clit Â», « Défaire le genre Â», « Déviant désires Â», « Fières d’être putes Â», « Sexe et utopie Â»â€¦ te tombent entre les mains…
Parce que plus que tout tu emmerdes l’idéologie sexuellement correcte; l’educastration (ou plutôt l’éduexcision), les stéréotypes de genre et les discours du type « une femme c’est… et ça devrait être… Â». Du coup, tu tentes de déconstruire au quotidien la morale puritaine et les rapports de domination dans lesquels nous baignons. En bref, défoncer la norme hétéro patriarcale qui nous empêche d’être ce à qua on aspire être Â»

 

Pilou Pilou (fanzine), p.8.

 

 

4. « En quoi sommes nous politico-sexuels et queers? Parce que la société et la culture sont politico-sexuelles. Parce que nous sommes bien placés pour savoir que la séparation public/privé n’existe pas en matière de sexe et de genre. Parce que nous pensons que les catégories sociales, le sexe, le genre et la ‘race’ sont déterminants et opprimants. Parce qu’en ce qui concerne le genre, et notamment le masculin et le féminin, nous savons bien que cette opposition a été construite historiquement, socialement et culturellement à partir du sexe biologique en Occident Â».
 

Q comme Queer (1998). Lille: GayKitschCamp (QuestionDeGenre/GKC)., p. 75


 

5. « […] La réalité « femme Â» doit disparaître, de même que la réalité « esclave Â» après l’abolition de l’esclavage, de même que la réalité « prolétaire Â» après l’abolition des classes et du travail forcé.
[…]. La dénomination « femme Â» disparaîtra sans aucun doute de la même manière que disparaîtra la dénomination « homme avec la fin de l’oppression/exploitation des femmes en tant que classe. L’humanité doit se trouver un autre nom pour elle-même et une autre grammaire qui en finira avec les genres, l’indice linguistique d’opposition politique. p. 82-83. […] Le genre en tant que concept, exactement comme sexe, comme homme, comme femme, est un instrument qui sert à constituer le discours du contrat social, en tant qu’hétérosexuel. […] Il s’agit de dévoiler que c’est une notion qui ne relève pas de la nature, que le sexe a été artificiellement construit (et nommé notion naturelle), qu’il est une catégorie politique Â»

 

Monique Witting, 2007, La pensée straight, Amsterdam, p. 104.

 

 

6. « Je suis un être humain qui aimerait qu’on ne s’adresse pas à lui en tant que madame ou monsieur. Je préfère user de pronoms de genre neutre pour me définir. Je suis une personne qui se trouve face à une difficulté presque insurmontable lorsqu’on lui demande de cocher un F ou un M sur un papier administratif. Je n’ai pas de problèmes d’être né avec un corps de femelle biologique. Et je ne m’identifie pas plus à un sexe intermédiaire. Seulement, je ne me sens pas de porter les concepts occidentaux dominants de ce à quoi « devrait » ressembler une femme ou un homme.
Et cette réalité a gravement infléchi le déroulement de ma vie. […] Nous sommes un mouvement de femmes biologiques masculines, d’hommes biologiques féminins, de cross-dressers, d’hommes et de femmes transgenre, d’intersexes qui sont nés dans ce large intervalle qu’il y a anatomiquement entre femelle et mâle biologique, de genderblenders, de beaucoup d’autres variantEs de sexe et de genre, et d’autres définitions qui nous sont importantes. En somme, nous élargissons la vision du nombre de manières qu’il y a d’être humainE.
Nos vies sont la preuve que le sexe et le genre sont bien plus complexes que ce que peut déterminer le coup d’oeil d’un médecin dans une salle d’accouchement, bien plus variés que des layettes bleues et roses. Nous sommes oppriméEs parce que nous ne rentrons pas dans ces normes sociales étriquées. Nous contre-attaquons.[…] Pour moi, caractériser l’expression de soi individuelle comme simplement féminine ou masculine est comme demander aux poètes : écrivez-vous en anglais ou en espagnol ? La question laisse de côté la possibilité que la poésie soit composée en chinois ou en latin, en swahili ou en arabe. La question ne prend en compte que les langues dont on a parlé au poète. Elle ignore les mots que chaque personne qui écrit extirpe, petit à petit, de la source commune. La musique que font les mots quand ils se rencontrent pour la première fois. Le silence qui résonne dans l’étendue entre les pensées. Le vent plein de puissance de la passion et de la confiance, qui pousse le poète à écrire.
C’est pourquoi je ne soutiens pas que le genre n’est rien d’autre qu’une construction sociale – un des deux langages que nous apprenons mécaniquement depuis la nuit des temps. Pour moi, le genre est une poésie que chacunE d’entre nous compose, à partir du langage qu’ilelle connaît. Lorsque je me promène à travers l’anthologie du monde, je vois des individus qui expriment leur genre dans des modes délicieusement complexes et toujours changeants, malgré la loi du pentamètre ».

 

Leslie Feinberg, Nous sommes touTEs en devenir. 

 

 

7. « Comment expliquer ce qui m’arrive? Que faire de mon désir de transformation? […] Je n’ai pas d’autre alternative que de réviser mes classiques, de soumettre les théories à mon [désire]. Accepter que le changement qui s’opère en moi est la mutation d’une époque Â»
 

Beatriz Preciado (2008). Testo Junkie. Sexe, drogue et biopolitique. Parigi: Grasset.

 

 

8. Je reste debout, « la moitié de mon visage s’inscrit dans le miroir, sans expression ni centre: mes cheveux courts et noirs, mes lentilles de contact dessinent une fine auréole autour de l’iris, ma peau irrégulière, parfois très blanche, parfois mouchetée de brillances rosées. J’ai été assignée femme, mais c’est imperceptible dans l’image partielle que renvoie le miroir. Je commence à me raser la tête, de l’avant vers l’arrière, du centre vers la gauche, puis vers la droite. […] Â»
 

Beatriz Preciado (2008). Testo Junkie. Sexe, drogue et biopolitique. Parigi: Grasset., p.17

 

 

9. « Je me définis No gender […] parce que je n’appartiens pas foncièrement à un genre donné. […] je me sens dans ce genre fluide depuis toujours sans ce besoin d’aller vers…
Je me fous qu’on me féminise mais j’aime aussi qu’on masculinise, souvent d’ailleurs, en privé, dans mes relations, parce que j’en ai besoin, parce que j’aime être dégenrée mais aussi parce que je me sens parfois un parfait connard amoureux. Aussi parce que ça arrive souvent que ce soient mes relations qui le fassent. Elles le sentent et/ou elles le savent parce qu’on en parle, parce que c’est ce qui les attire, cet étrange mélange féminin-masculin présent, ce genre ambivalent.
Ce ressenti, c’est dans les tripes, ça vient de loin. […] Je n’ai jamais lu les théories sur le genre. Je ne suis pas une théorie. Je suis complexe et enchevêtré dans plusieurs sensations. C’est un beau bordel.
Je ne suis pas un homme mais je ne suis pas entièrement une femme. Je suis moi, une entité sans définition claire de genre. […] Pas de jupe, ni d’autres effets féminins mais pas de mécanique non plus. Le trouble putain, le trouble encore. Je me ballade avec une sorte de corps bourré de sa propre liberté de pensée […]. Je ne sais pas si tout est clair. Pour moi, ça l’est parce que c’est tellement profond. C’est aussi pour ça que ma parole ne sera toujours que ma parole. […] Je ne réfléchis jamais en posant la notion de genre. Je réfléchis en étant qui je suis, de l’intérieur un cerveau plat ou bouillonnant mais jamais genré. […] Soumise et insoumise. Masculine et femme. Ou rien de tout ça. Ce corps […] je l’accepte et je le vis pleinement, surtout sexuellement. Avec la maturité, on s’aperçoit qu’il est plus facile et plus intéressant de décloisonner, de passer outre tous les a priori de cette société, casser les clichés, déconstruire ou construire simplement son propre genre, celui où on se sent le mieux. Je ne suis ni noirE, ni blanchE mais flouE… je suis moi Â»

 

Dirty Week End (2012). Journal d’une butch par ses mots http://dirty-week-end.blogspot.fr

 

 

10. « Je traverse la frontière de vos propres névroses
Et m’installe juste là où je veux être,
Où je regarde tel un insecte agacé qui mute
Que vous ne pourrez pas tuer Â»

 

Diana J. Torres (2011). Trasfrontera. In Pornoterrorismo. Txalaparta.

 

 

11. « Je [mute] pour trahir ce que la société a voulu faire de moi, pour écrire, pour baiser, pour ressentir une forme de plaisir post-pornographique, pour ajouter une prothèse moléculaire à mon identité transgenre low-tech faite de godes, de textes et d’images en mouvement […] Â»
 

Beatriz Preciado (2008). Testo Junkie. Sexe, drogue et biopolitique. Parigi: Grasset., p.16.

 

 

12. « Nous savons que le corps s’est mis à signifier comme ça mais que nous pouvons le faire signifier autrement. Le genre peut être pensé comme les effets de certaines pratiques culturelles […]. Mais nous pouvons nous approprier ce processus et faire ce que nous voulons de notre sexe et du masculin et du féminin Â»
 

Q comme Queer (1998). Lille: GayKitschCamp (QuestionDeGenre/GKC)., p. 95.

 

 

13. « Je nomme potentia gaudendi ou ‘force orgasmique’ la puissance (actuelle ou virtuelle) d’excitation (totale) d’un corps. Cette puissance est une capacité indéterminée, elle n’a pas de genre, elle n’est ni masculine ni féminine, ni humaine ni animale, ni animée ni inanimée, elle ne s’oriente principalement ni vers le féminin ni vers le masculin, elle n’établit pas de séparation entre hétérosexualité et homosexualité, être l’objet et le sujet, elle ne connait pas non plus la différence entre être excité, exciter ou s’exciter-avec. Elle ne privilégie pas un organe par rapport à un autre: le pénis ne possède pas davantage de force orgasmique que le vagin, l’œil ou le doigt de pied. La force orgasmique est la somme de la potentialité d’excitation inhérente à toute molécule vivante. La force orgasmique ne cherche pas sa résolution immédiate, elle n’aspire qu’à se déployer dans l’espace et le temps, vers tout et vers tous, en tous lieux et à tout moment. C’est une force de transformation du monde en plaisir-avec. La potentia gaudendi réunit toutes les forces somatiques et psychiques, sollicite toutes les ressources biochimiques et toutes les structures de l’âme Â».
 

Beatriz Preciado (2008). Testo Junkie. Sexe, drogue et biopolitique. Parigi: Grasset., p. 40.

 

 

14. « J’existe à travers ce trouble mais aussi par cette force, cette liberté […]. Je m’octroye le droit d’être ce que je décide quand je le décide. Rien n’est posé, rien n’est parfait Â».
 

Dirty Week End (2012). Journal d’une butch par ses mots http://dirty-week-end.blogspot.fr

 

 

15. Nous sommes des « â€˜pirates du genre’, gender hackers Â»
 

Beatriz Preciado (2008). Testo Junkie. Sexe, drogue et biopolitique. Parigi: Grasset., p. 50.

 

 

 

 

 

 

 

 

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